HISTOIRES EXTRAORDINAIRES DE MOTO

 

Dans la collection "UN MOTARD, UNE HISTOIRE", David Dumain et Gabrielle Poughon vous proposent 20 récits incroyables et très peu connus. Des situations invraisemblables, des sauvetages miraculeux, des trésors oubliés, des héros très discrets, des exploits extravagants... Inconnus ou célèbres, les protagonistes de chaque histoire ont connu, parfois malgré eux, un destin hors du commun.

 

 

Sous forme de livre ou de podcast, découvrez ces histoires exceptionnelles, dont nous vous offrons un exemple avec Mick Doohan, ci-dessous, à lire ou à écouter...

 

EN EXCLUSIVITÉ CI DESSOUS

L'UNE DES 20 HISTOIRES EXTRAORDINAIRES

À LIRE OU À ÉCOUTER EN PODCAST

 


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Teaser vidéo, version longue


Le podcast

Mick Doohan, "l'amputation programmée"


le récit

UN MOTARD, UNE HISTOIRE

GRANDS PRIX

&

GRANDS BLESSÉS

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MICK DOOHAN

 

L'amputation programmée

 

Les plus grands exploits sportifs s’accompagnent parfois de performances physiques inimaginables. La carrière et la vie du quintuple champion du monde de Grands Prix 500 Mick Doohan n’aurait radicalement pas été la même si le pilote australien n’avait croisé la route d’un médecin italien, dévoué au sport motocycliste jusque dans son âme. Pour sauver la jambe du pilote blessé, que les chirurgiens s’apprêtaient à amputer, le docteur Claudio Costa a fait échapper Doohan d’un hôpital néerlandais dans des conditions rocambolesques et a pratiqué une médecine alternative qui a fini par porter ses fruits. C’est après une longue période d’incertitude et d’abnégation que Doohan a pu remonter en selle et conquérir ensuite les cinq titres mondiaux qui l’ont fait entrer dans la légende…

 

Lorsqu’il arrive sur le circuit d’Assen en cette fin du mois de juin 1992, Mick Doohan est l’homme à battre du plus prestigieux des championnats de vitesse. Pour la huitième épreuve de la saison, le vice-champion du monde 1991 a déjà remporté cinq des sept premières épreuves et il mène largement les débats devant le champion sortant Wayne Rainey. En Allemagne deux semaines plus tôt, le pilote officiel Honda a infligé plus de 24 secondes d’avance au second, Kevin Schwantz en partant de la pole position comme sur les six dernières épreuves. En plus d’être redoutable en course, Doohan est aussi l’homme des qualifications et il est dans un bon tour en ce 26 juin 92 pour essayer de décrocher une nouvelle pole. Hélas, il chute et sa jambe droite reste coincée sous sa moto. Dans l’accident, sa jambe est fracturée et il se fait logiquement transférer à l’hôpital local, après un passage par la Clinica Mobile, cellule médicale itinérante mise en place quelques années auparavant par le docteur Claudio Costa, véritable personnage des Grands Prix. Fils du fondateur du circuit d’Imola, dévoué à la cause des pilotes, faisant son possible pour qu’ils puissent reprendre le guidon le plus vite possible, Claudio Costa fait figure de marginal dans un secteur médical plus soucieux de la santé générale de ses patients que de leurs problématiques sportives. Malgré les conseils de Costa qui préconise alors une réduction manuelle de la fracture, Doohan préfère s’en remettre aux chirurgiens néerlandais, qui l’opèrent dans la journée. L’objectif du pilote australien est alors de remonter le plus vite possible sur sa moto, afin de décrocher le titre mondial suprême qui lui tend les bras.

 

Hélas, dans la nuit qui suit l’opération, une grave infection se déclare, qui met non seulement en danger la jambe de Mick Doohan, mais également sa vie. Terrifié par les options évoquées par les médecins, qui envisagent alors d’amputer sa jambe infectée pour sauver sa vie, Mick appelle alors le docteur Costa en dernier recours. C’est un Doohan désespéré sur son lit d’hôpital que trouve Claudio Costa, non loin d’un autre pilote lui aussi blessé aux essais, Kevin Schwantz. Le trio prit alors une décision radicale afin de sauver la jambe de Doohan : s’échapper de l’hôpital pour transférer Doohan dans un établissement italien. « Tandis que nous nous échappions de l'hôpital d'Assen, nous chargeâmes aussi Kevin Schwantz sur la civière de Doohan."

 

Mais la fuite ne résolvait pas le problème de l’infection de sa jambe, et pour sauver le jeune homme alors âgé de 27 ans, Costa opta pour une autre solution radicale, quasi moyen-âgeuse, consistant à lier les deux jambes, afin que la jambe saine irrigue la jambe infectée. Doohan n’a pas vraiment d’autre choix que de s’en remettre à son ange gardien, et tente le pari : « J'avais un énorme trou dans la cheville. Il aurait fallu des mois pour faire une greffe de peau traditionnelle, ou alors on pouvait coudre mes jambes ensemble. C'était un truc assez barbare et cela n'avait pas été fait depuis quelques années, mais ça devait être fait. Normalement, ils doivent aussi visser les jambes, mais ça n'était pas bien pour moi puisque j'avais besoin de remonter sur la moto ».

 

Le risque est cependant énorme, tant pour le pilote qui tente le tout pour le tout, mais aussi pour le médecin, soumis à une forte pression dans l’attente des premières évolutions. Claudio Costa se montrera admiratif de la force de caractère de son patient : « Tant que la lutte dura, Mick investit toutes ses forces dans la bataille, ne laissa jamais place à la peur et n'évoqua jamais ses tourments. Après un temps qui nous parut interminable, nous réussîmes à sauver le membre meurtri, et les deux jambes, toutes deux blessées et rabougries, continuèrent à vivre ». Mick Doohan raconte le moment-clé de ce retour à la vie : « Après que mes jambes sont restées cousues ensemble pendant 14 ou 15 jours, on m'a fait une petite entaille pour voir si la peau allait survivre et heureusement c'était le cas. On a donc pu séparer mes jambes… » Une opération racontée simplement, un soulagement absolu après deux semaines d’angoisse…

 

Pendant sa convalescence, Mick Doohan ne ratait pas une miette du championnat 500, regardant la mort dans l’âme son plus proche rival Wayne Rainey grappiller course après course les 65 points d’avance qu’il comptait en tête du championnat au moment de son accident. C’est certain que même s’il restait encore en tête, un retour au guidon pour les deux dernières courses pouvait permettre à l’Australien de décrocher le titre mondial malgré plusieurs semaines d’absence. Doohan serra donc les dents et se remit en selle malgré une jambe droite terriblement atrophiée, moins de deux mois après son accident d’Assen. Sur le circuit d’Interlagos au Brésil où il reprit le guidon malgré de grosses souffrances, Doohan se contenta de terminer la course, bon dernier mais 12e à la faveur de nombreuses chutes. Il restait encore une course en Afrique du Sud, sur le redoutable circuit de Kyalami près de Johannesbourgh, pour décider de l’attribution du titre mondial, et Doohan pouvait tout à fait le décrocher face à Rainey. Mais il dut se contenter d’une sixième place, à 30 secondes du vainqueur John Kocinski, et vit Wayne Rainey grimper sur le podium et coiffer son troisième titre mondial consécutif en 500, pour seulement quatre petits points.

 

La suite de la carrière des deux pilotes vit les destins de l’un et de l’autre s’inverser radicalement, puisque Wayne Rainey subit un grave accident l’année suivante sur le circuit de Misano en Italie, qui le laissa paraplégique, le week-end même où Mick Doohan retrouvait le chemin de la victoire en cette année 1993. L’Australien enchaîna ensuite avec le premier de ses titres mondiaux en 1994, qui intervint en République Tchèque un 21 août, jour gravé dans la mémoire de Mick puisque c’est aussi un 21 août qu’il avait repris le guidon pour la première fois au Brésil. Suivit alors une domination absolue de Doohan en Grands prix 500, avec 5 titres mondiaux consécutifs de 1994 à 1998, période durant laquelle il ne cessa de montrer sa gratitude envers le docteur Costa. Jusqu’à inviter le médecin sur le podium de son Grand Prix national à Phillip Island, où Claudio Costa reçut une ovation du public australien.

 

Mick Doohan fut l’indéfectible parrain de la Clinica Mobile, notamment lors de chacune de ses évolutions majeures, en 1997, puis en 2002, et reste éternellement reconnaissant envers ce docteur hors du commun. Claudio Costa ne peut cependant rien faire pour empêcher la carrière de Doohan de se terminer en 1999, lorsque le pilote Australien se fracture de nouveau gravement la jambe droite à Jerez, théâtre de la troisième épreuve du championnat. Un accident terrible, dans lequel en plus de la jambe le pilote se casse également l’épaule droite et le poignet gauche. Un terrible high-side, lorsque le corps du pilote est éjecté par sa moto, qui a fait craindre une lésion de la colonne vertébrale. Le spectre de l’accident de Wayne Rainey en 1993, le souvenir de l’accident d’Assen en 1992, les fractures multiples, le temps pour s’en remettre, le danger permanent… C’en est trop pour Doohan, qui tire sa révérence à la suite de cette ultime alerte. Toujours sur ses deux jambes, le pilote australien arpente régulièrement les paddocks du championnat du monde MotoGP, et continue de vouer une gratitude éternelle au docteur Costa parti à la retraite en 2014, dont il fait constamment des louanges, au-delà de son simple cas personnel : « Il m'a sauvé la vie et sans aucun doute ma carrière. Après l'accident, sans son intervention, les médecins m'auraient amputé la jambe. Le Docteur Costa l'empêcha et, avec une méthode extrêmement radicale, il prit soin de moi en sauvant ma jambe. Je lui suis extrêmement reconnaissant. Sans son intervention, je ne serais pas là aujourd'hui et je n'aurais pas remporté le championnat s'il n'était pas venu me faire sortir de cet hôpital aux Pays-Bas pour me remettre sur pied. Le Docteur Costa a renoncé à énormément de choses dans sa vie afin de suivre le monde de la moto. Il voyageait de long en large à travers toute l'Europe avec la Clinica Mobile et son staff, affichant une implication et un dévouement énormes pour la moto. Le sport lui doit beaucoup : il a montré à tous la voie à suivre ».